AVERTISSEMENT

Je tiens à préciser pour les personnes qui auraient du mal à comprendre la démarche d’un blog (flatter l’égo démesuré de l’auteur, partager ses névroses, faire pleurer dans les chaumières, passer ses nerfs, raconter des conneries, informer un peu, se marrer beaucoup, toussa), que tout ce qui est écrit ici – non seulement n’engage que moi – mais surtout, que tout ce qui y est raconté est bien évidemment purement fictif. Par là j’entends que ces récits, satires, pamphlets, anecdotes (lorsqu’ils ne sont pas tirés d’ouvrages extérieurs) sont inspirés de faits réels mais sont, comme vous l’aurez tous compris, racontés à travers le filtre d’une imagination débordante et d’un esprit, je m’en excuse, légèrement névrosé.
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vendredi 29 juin 2012

Le bel étalon noir...




Je continue ma série consacrée à quelques uns des chevaux que j'ai au travail avec mon magnifique, mais très très super chiant entier noir. C'est une race des pays de l'est, assez rare par chez nous d'ailleurs, mais il a tout à fait l'allure d'un cheval de sport lambda quand on le voit comme ça. Vous l'aurez deviné... il est noir, avec une toute petite marque en tête sur le front et aucune balzane. Sa tête est particulière car très osseuse, j'imagine que c'est un vrai casse tête à tondre (c'est le cas de le dire) surtout autour des yeux. Il doit toiser aux environs d'1,70m et il est lui aussi un peu gras, il faut bien se l'avouer... Il est assez ramassé comme ça, mais son dos est tout de même un peu long, des aplombs corrects et une encolure énorme avec une force phénoménale.

Niveau caractère : ben il est chiant... C'est un entier quoi, mais pas l'entier dangereux qui saute sur tout ce qui bouge et tape/boxe tout ce qui passe, pas du tout ce genre. Lui c'est plutôt le genre pot de colle, qui veut tout savoir, tout voir et tout toucher... Quand on rentre dans le box, le cheval normal, il se pousse. Ben lui non, lui il se pousse pas, il reste là, devant, il faut qu'il sache ce qu'il se passe devant la porte des fois qu'il y aurait le scoop du siècle juste là maintenant, nan nan, pas question, on sait jamais !

Donc voilà, déjà, faut réussir à rentrer, donc il faut le pousser. Alors au début, il fallait vraiment le pousser, de toutes ses forces, parce que monsieur, il résistait, il voulait pas ! Maintenant ça va un peu mieux parce que moi, les chevaux irrespectueux ça m'énerve et je trouve ça dangereux, du coup il a appris à répondre à la "pression" et à la "suggestion" comme disent les éthologues, ça fait quand même des vacances. Et puis une fois dans le box et ben c'est pareil, il ne veut que aller devant la porte, mais comme il est entier, on se dit que si par malheur il voulait aussi sortir, on serait pas dans la merde. Du coup je passe mon temps à lui dire de reculer, c'est un jeu... Je le fais reculer d'un pas, il ravance d'un demi pas et demi, je le fais reculer de deux, il ravance de 3 ou 4 mini pas, comme ça, l'air de rien... L'innocence incarnée ce cheval, et puis il fait l'offusqué quand je me fâche en plus ! 

Ensuite il veut tout savoir, il faut qu'il sente la brosse, il faut qu'il regarde où je brosse ; pour la tête, on peut pas la brosser si elle est pas du bon côté et presque il regarde à l'intérieur du sabot quand je lui cure les pieds, il le ferait s'il manquait pas de se casser la figure à chaque fois... Oui, c'est le genre de cheval qui essaie de brouter quand on trotte ou galope en extension d'encolure et qui comprend pas pourquoi il finit sur les genoux, à chaque fois... 

Bon, évidemment, si vous posez quelque chose sur la porte ou à côté du box vous êtes sûr que ça finit, dans le meilleur des cas, parterre devant le box, et dans le pire des cas, parterre dans le box et sous ses pieds ou dans sa bouche, ou les deux, tout dépend... Voilà voilà. Ah oui, et puis sinon quand vous le sellez, ben c'est là que ça lui gratte sous la selle, donc si vous mettez la sangle après, comme moi, ben vous avez une chance sur deux de retrouver la selle parterre, ou d'arriver juste à temps pour la rattraper au vol au moment où il la pousse par dessous pour se gratter.

Ah, et aussi il aime pas qu'on lui touche l'oreille droite, enfin si, on peut la toucher quand on veut, sauf... quand on veut mettre le filet, là nan, là il veut pas, il préfère lever la tête très très haut, tellement haut que moi je touche plus parterre, oui parce que moi je lâche pas le filet tant que je l'ai pas mis, nan mais... Bon, j'ai passé un peu de temps sur la pointe des pieds où carrément suspendue, mais ça y est, monsieur à compris que la lourdingue là, elle lâchera pas l'affaire, alors maintenant il baisse même presque la tête pour que l'oreille elle passe plus facilement sous la têtière. Y a quand même du progrès !

Et pour les guêtres c'est comme pour le reste, il faut qu'il regarde si les velcros sont bien mis, on sait jamais !

Une fois qu'on a fait tout ça généralement j'en peux déjà plus, je suis fatiguée ! Ce cheval m'use... Et quand on est dessus, ben c'est un peu pareil, la vieille commère hyperactive, vous voyez le genre ? Mais avec les muscles en plus. Au début c'était l'horreur, il arrachait les rênes à la moindre occasion, il mettait des espèces de coups de tête à vous arracher les cervicales, et pas que vers le bas, sur le côté aussi, histoire d'être bien asymétrique (ça fait encore plus mal !) Ben oui, parce que les coups de tête c'est pas juste pour arracher les rênes, c'est surtout pour regarder ce qui se passe partout, parfois il fait même carrément demi tour, pour regarder derrière, c'est plus pratique. Je passe sur le fait que les entiers adorent les poneys (et les juments mais ça vous vous en doutiez) et que dès qu'il y en a dans les parages, c'est mort pour la concentration, enfin avant, maintenant ça va un peu mieux. Et puis des fois, on sait pas pourquoi, ça lui prend et il se pointe et il boxe, comme ça, tout seul, dans le vide, il faut le savoir. Ça peut surprendre la première fois, surtout quand on sait qu'il est pas très doué et qu'il pourrait se rater... Mais bon...

Allez, passons aux choses sérieuses, comment qu'il travaille ce cheval ???

Ben c'est qu'au début c'était pas gagné ! Une locomotion un peu particulière on va dire, le genre "lapin à roulette" pour ceux qui connaissent l'expression, c'est à dire le cheval avec une cadence et une amplitude au trot qui se rapproche assez bien de celles du shetland. Au pas, c'est pareil, et au galop n'en parlons pas. En fait c'est le cheval qui se dépêche tout le temps mais qui sait pas pourquoi, pas facile... 

Pour vous faire une idée, vous n'avez qu'à imaginer un cheval qui trotte et qui galope du genoux (et du jarret), en montant fort les épaules mais sans aucune propulsion et sans rebond aucun. Le prototype parfait du cheval chaud bouillant qui ne pousse pas un crayon et qui donc, travaille creux, malgré tout le vent qu'il brasse. Sans compter le fait qu'il se sert allègrement de vos bras comme béquille étant donné qu'il ne se tient pas, en fait il se dépêche de venir s'appuyer, c'est pas tout à fait l'idée que je me fais du cheval léger... Et avec l'encolure qu'il a c'est vraiment pas un cadeau ! 

Voilà, donc au départ, on a un cheval plein de sang travaillant dans le plus parfait déséquilibre, ne respectant pas la main, la jambe non plus quand on y regarde de plus près, avec une capacité de concentration plus que limité et une tolérance très faible à la contrariété... Hem, de la tarte, quoi !

Bon ben j'ai tout simplement commencé par lui rendre la vie impossible, c'est à dire qu'il a fait beaucoup, mais alors vraiment beaucoup, genre des kilomètres d'épaule en dedans. Dès qu'il "bourrait à la main", hop, une longueur d'épaule en dedans ! Dès qu'il commençait à s'appuyer, hop, une largeur d'épaule en dedans, et un petit appuyer, et on recommence. Dès qu'il sortait de la main, rebelote, je crois que j'ai passé le premier mois à illustrer le traité de La Guérinière, j'en ai fait dans tous les sens, de tous les cotés, sur des lignes droites, sur des cercles, des carrés, des rectangles, dans le manège, la carrière, le cross, j'ai tout fait ! 

Alors évidemment, je n'ai pas fait que de l'épaule en dedans, mais c'est vraiment le premier truc que je fais quand il commence à accélérer progressivement en mettant de plus en plus de poids et en poussant de toutes ses forces avec son encolure. Au début j'essayais de résister mais c'était peine perdu, son mode de fonctionnement c'était justement la résistance, plus je résistais, plus il résistais dans l'autre sens, vraiment, je ne pense pas que j'aurais gagné ! Du coup, vu qu'il avait envie de foncer tout droit, ben il a fait le contraire, voilà. Il a fait du cercle et du travail de deux pistes, nan mais, on me promène pas comme ça moi, faut pas déconner non plus ! En plus j'aime pas ça faire du tout droit, ça m'énerve, je suis la première à enguirlander mes élèves qui font des tours de carrière bêtement sans rien demander à leur cheval, ça sert à rien, c'est du promène couillon comme on dit chez moi.

Fin bon, du coup, on a revisité toute la panoplie et aux trois allures : épaules en dedans, travers, renvers, appuyers, contre-changements de main et tout le tralala. Pour le coup, j'ai révisé mes gammes ! Au bout de quelques semaines de ce travail, j'ai commencé à avoir un cheval qui se tendait plus facilement et sa cadence s'est ralentie pendant que son amplitude s'est développée. Oui, parce qu'au départ il travaillait très haut et très fermé, il s'encapuchonnait et bourrait à la main dans cette attitude, dos creux et bouche morte, c'était vraiment très agréable... On pouvait même avoir la sensation d'être trimbalé au pas, vraiment génial ! 

Là, il commençait à descendre sa tête et à monter son dos sur quelques foulées à la sortie des exercices. Il se laissait encore pas mal déconcentrer mais j'avais quand même moins de difficultés à le récupérer avant qu'il parte dans son trip "vite faut que j'me dépêche". Une fois que j'ai obtenu ce minimum, nous avons commencé à pas mal travailler sur la réponse à la main et à la jambe. Vous noterez que j'avais toujours ma badine, même avec ce type de cheval qui ne veut qu'avancer tout le temps, comme quoi une badine ça ne sert pas que pour les chevaux "froids". Et bien oui, et cette badine je m'en servais beaucoup pour... m'arrêter ! Et oui, parce que monsieur ne savait pas s'arrêter, il venait se coincer contre la main, mais jamais de la vie ce truc n'était un arrêt, d'ailleurs il ne tenait pas en place, donc c'est bien la preuve. Oui, parce qu'en fait, un arrêt c'est le truc où le cheval il s'arrête en reportant du poids sur ses jarrets, et non pas dans vos bras, là c'est pas un arrêt, c'est un affalement (d'où le cheval qui se retrouve sur les genoux quand on avance les mains...). Et pour que le cheval reporte du poids sur ses jarrets, et bien à un moment, il faut bien qu'il se tienne tout seul et qu'il ne se serve plus de vos mains comme "petites roulettes" vous savez, le truc qu'on doit enlever une fois qu'on a bien appris à faire du vélo et que certains on vraiment beaucoup de mal à lâcher. 

Dès que je voulais m'arrêter, j'utilisais donc ma badine pour lui demander d'activer un peu ses postérieurs afin qu'ils viennent sous la masse, dès qu'il faisait mine de s'appuyer, je repartais et lui demandais une épaule en dedans jusqu'à ce qu'il se tienne de nouveau avant de recommencer. J'y ai passé un paquet de temps... c'est qu'il est têtu l'animal ! J'y arrive tout juste aujourd'hui, au bout de presque deux mois de boulot. Mais rassurez vous, le reste a bien progressé, en fait je crois que c'était le gros point noir, c'est la chose qu'il a eu le plus de mal à assimiler, à côté de ça, c'est un cheval très souple et très agréable lorsqu'il se tend et se met au travail.

J'ai donc beaucoup travaillé sur ma main, j'ai essayé de ne jamais la bloquer lorsqu'il résistait, au contraire, je rouvrais les doigts et je demandais une flexion pour partir en épaule en dedans avec beaucoup de jambe. Oui, parce qu'en fait la résistance venait du fait qu'il ne poussait pas, j'espère que vous l'aviez deviné ! Et donc en le mettant en épaule en dedans, le postérieur intérieur (intérieur à l'incurvation hein, toujours pareil) venait obligatoirement sous la masse, ce qui avait pour effet immédiat de l'alléger, et voilà, c'était gagné. Ne restait plus qu'à lui apprendre à engager ses postérieur aussi en ligne droite. Pour ça j'ai beaucoup utilisé une technique que je trouve très utile : serrer les genoux et les cuisses pour ralentir les épaules du cheval. Etant donné qu'il avait du mal à "rattraper" ses traces (et donc à se "juger" pour ceux qui suivent) avec ses postérieurs, il fallait demander aux postérieurs d'aller plus loin, mais étant donné qu'il se dépêchait tout le temps, dès que je demandais les postérieurs, il précipitait l'allure en bourrant à la main. Du coup, l'allure se dégradait et je n'obtenais jamais l'engagement tant espéré. Il fallait donc tout d'abord ralentir les épaules afin de permettre à l'arrière main de les "rattraper", ou du moins de s'en rapprocher ; et seulement une fois cela obtenu, je pouvais mettre la jambe pour demander une propulsion supérieure de laquelle résultait une meilleure tension de dos et un bout de devant léger dans un relâchement maximum. Et oui, tout ça d'un coup !

Attention, serrer les cuisses ne veut pas dire se crisper, au contraire, cette technique n'est efficace que si le cavalier a la jambe descendue et continue de travailler relâché, sinon cela n'a aucune utilité. Le principe est simple, le cheval étant très sensible à la pression, le fait de serrer les cuisses va lui comprimer légèrement les épaules, il va se retrouver dans un inconfort relatif car il devra "forcer" pour continuer son mouvement, et comme les chevaux (tout comme les humains d'ailleurs) n'aiment pas trop se fatiguer, leur premier réflexe va être de ralentir le mouvement des épaules. C'est à ce moment précis qu'il faut relâcher la pression des cuisse et demander la propulsion avec le bas de jambe tout en restant bien à sa place dans son haut du corps ; les épaules ont ralenti et votre cheval à tendance à "caler" comme s'il voulait retomber dans le pas, c'est exactement à ce moment là que les postérieurs ont la possibilité de rattraper leur retard, il faut en profiter ! Une fois cette sensation obtenue, il suffit de la reproduire à chaque fois que le cheval commence à précipiter : ralentir les épaules, se relâcher, activer les postérieurs, se relâcher, vérifier l'équilibre et la légèreté, recommencer si besoin. 

La sensation du cavalier doit être une impression d'être calé dans un fauteuil très souple et très confortable, lorsque le cheval travaille avec son dos on a la sensation d'être plus haut que d'habitude. Je donne un truc à mes élèves pour reconnaître cette sensation : si vous êtes cavalier, vous avez très certainement déjà senti les muscles du dos de votre cheval se tendre au moment où il lève la queue pour faire son crottin, cette sensation est due au fait qu'il contracte ses muscles abdominaux ce qui a pour effet de lui faire remonter toute la ligne du dos. Et bien lorsque votre cheval travaille vraiment avec le dos, vous devez avoir la même sensation. La première fois que j'ai senti ça, je travaillais au galop sur mon cheval avec mon Mentor, et tout à coup j'ai senti ce truc extraordinaire, au début je passais mon temps à me retourner car j'avais tout le temps l'impression que mon cheval faisait son crottin, mais non ça n'était pas ça, j'avais enfin compris ce que signifiait "mettre le dos". C'est un des plus précieux souvenirs de ma formation je crois. Et en ce qui concerne le bout de devant, c'est à ce moment là que l'on peut commencer à demander l'extension d'encolure, comme le cheval se propulse correctement et qu'il tend son dos, il cherche à descendre sa tête en ouvrant son angle tête/encolure, il reste léger et en équilibre. Lorsqu'il travaille de cette manière, un cheval peut trotter et galoper le nez parterre sans aucune dégradation de son équilibre (sauf s'il essaie de brouter, là ça marche un peu moins bien mais bon, c'est hors sujet), et les transitions, qu'elles soient montantes ou descendantes peuvent, et devraient se faire sans dégradation de cette attitude de relâchement et de tension de la ligne du dessus.

Voilà voilà, donc mon bel étalon noir est maintenant aussi doux qu'un agneaux, il est devenu extrêmement agréable à monter et c'est un vrai plaisir. Bon, on n'est pas à l'abri d'un petit mouvement d'humeur ou d'un petit saut de joie, mais même lorsqu'il se retourne pour regarder les juments qui passent, il fait bien attention de ne plus arracher les rênes, il est devenu civilisé cet animal... Non, et puis il est super attachant, ce n'est pas rare qu'il hennisse quand j'arrive le matin pour m'en occuper. 

Comme quoi, le travail peut aussi être un plaisir ! :)


mercredi 7 septembre 2011

Va falloir m'expliquer...

Voilà le genre de choses auxquelles on a affaire régulièrement quand on évolue dans le monde du cheval, je parle ici du vrai monde du cheval, pour ne pas dire les "bas-fonds" du monde du cheval...Bon, j'exagère hein, mais quand même. Eh oui, je vais sûrement en décevoir quelques uns qui s'imaginent peut-être que "chez nous" tout n'est que glamour, luxe et courtoisie. Sachez pour faire court, que pour chaque grande écurie de compétition ou grand Haras d'élevage il y a des centaines de "structures" pour rester polie qui sont là et qui sont ... soit bien tenues, propres, avenantes et donc extrêmement rares dans la jolie région où je suis installée ... soit faites de bric et de broc, jamais finies (mais on se demande même si le commencement a commencé dans le but d'être fini), sans queue ni tête et tout ce que vous pouvez trouver d'expression et de lieux communs qui se rapportent à cette idée. J'aurais sans aucun doute l'occasion d'en reparler ultérieurement ici-même.

Pour en revenir à ma préoccupation du jour, il se trouve qu'en ce moment je fais du débourrage* dans une structure/élevage de poneys connémaras/poney-club peut-être si y a des clients ou aussi si y a une monitrice qui s'est pas cassé le poignet... Désolée pour la digression.

*pour les néofites : nom barbare donné à la période lors de laquelle le cheval passe du stade d'herbivore paisible dans son pré à celui de cheval de loisir ou de sport avec selle, filet et surtout CAVALIER sur le dos.

Donc disais-je, le charmant poney connémara de 3 ans que je débourre en ce moment est un amour, de mère pure-sang il est donc plus grand que la moyenne mais il est aussi d'une zénitude à toute épreuve, il a accepté sans broncher la selle, le filet, le poids du cavalier au montoir (moment où le cheval supporte et compense tout le poids du cavalier qui prend appuis sur l'étrier avant de se poser délicatement à califourchon sur son petit dos tout frêle de bébé cheval), le cavalier sur son dos, les actions de rênes, les gesticulations destinées à vérifier qu'aucun geste brusque d'un futur cavalier moins expérimenté ne pourrait l'effrayer... 

Bref, mises à part quelques légères manifestations de mécontentement lorsqu'il s'est retrouvé au bout de la longe à prendre conscience qu'il n'était plus tout à fait seul décisionnaire de sa direction, ce fut un poulain facile voire très facile, tellement facile que je me suis dit un bon moment que ça cachait très certainement quelque chose... quelque chose d'horrible, une chose qui serait inversement proportionnel à la docilité extraordinaire qu'il avait montré tout le long de son débourrage ...

Mais non.

Hahaha vous y avez cru hein !

Ce fameux poulinou donc, est maintenant débourré au sens premier du terme, c'est à dire qu'il accepte de bonne grâce son cavalier, il avance, s'arrête et tourne avec tout ce que vous pouvez imaginer d'approximations dues à sa toute jeune expérience. Mon travail consiste maintenant à le rendre accessible à un cavalier lambda, donc à lui apprendre son "métier" de cheval de loisir, pour ce faire je m'applique à lui inculquer la réponse à la jambe, base de toute éducation du cheval. J'ai donc une petite badine qui ne sert évidemment pas à le frapper mais bien à lui faire prendre conscience que je suis en train de lui demander quelque chose au moment où celle-ci "claque" contre son épaule ou derrière ma jambe. Eh oui, vous vous souvenez de la zénitude extrême de ce poulain ? Et bien le revers de la médaille c'est qu'il a du coup une très faible réaction aux stimulis du cavalier, rien ne l'inquiète (ce qui est une très bonne chose) et du coup il faut maintenant le sensibiliser aux stimulis qu'il doit interpréter et auxquels il doit répondre : tout un programme n'est ce pas ?

A la longe, le cheval répond à la voix et à la tension de la longe, il faut donc utiliser cette sensibilité à la voix pour la transférer à une sensibilité à la jambe ("au souffle de la botte" pour citer les grands maîtres de l'art équestre), ce que je m'applique à faire avec ma petite badine, alors évidement, au début c'est simple, dès qu'il fait mine d'avancer un peu s'ensuivent caresses, paroles réconfortantes, etc... Mais vous vous imaginez bien qu'au fur et à mesure il va falloir que ce cheval maintienne son allure un peu plus de 30sec, ce qu'il a tendance à ne pas faire du tout, toujours rapport à la zénitude vous voyez ? 

Voilà pourquoi, dès qu'il baisse de régime (un cheval doit toujours être "devant la jambe" sans qu'on ne le lui demande) et pour ne pas le blaser à cette fameuse jambe j'utilise la voix et ma petite badine avec un mini rappel de jambe quand cela est nécessaire pour qu'il associe bien tout ça à la même idée générale : AVANCER.

Evidemment, la première séance d'éducation à la jambe peut prêter à confusion pour tout témoin extérieur car il y a beaucoup de claquage de badine pour un résultat qui parait pour le moins moyen... Il faut savoir que la plupart des chevaux sont extrêmement intelligents et comprennent rapidement ce qu'on leur veut, une séance bien menée suffit donc généralement pour obtenir une réponse à la jambe satisfaisante ne nécessitant que de brefs rappels lors d'exercices futurs un peu plus compliqués. En effet, lorsque le cheval a compris qu'il devait se porter en avant de manière permanente dès que le cavalier le lui avait demandé une fois, le reste de son éducation s'en trouve extrêmement facilité et pour toute sa vie de cheval de sport ou de loisir.

Bon, c'est un peu technique et très simplifié mais il faut bien ça pour comprendre ce qui va suivre

Donc je fini cette séance après un travail au galop ayant nécessité une bonne dose de "badinage" pour maintenir un galop correct et utilisable dans la future progression de notre cheval et là, la propriétaire de l'élevage/écurie/porcherie? Oups pardon j'ai dérapé... vient me voir et au détour de la conversation commence à s'agiter en m'expliquant par des moyens plus ou moins détournés qu'il ne faut absolument pas blaser les chevaux, qu'il faut faire attention avec la cravache... tatata et caetera. Je lui explique donc ma démarche point pas point et la progression du loulou, le pourquoi du comment, le comment du pourquoi et tout le tralala, elle fini par lâcher l'affaire à court d'argument, notez bien que j'utilise le singulier.

Ne croyez pas que je détienne la science infuse, très loin de là, j'apprends tous les jours de tout et de tout le monde (enfin j'essaie), l'équitation est un art qui ne souffre aucune satisfaction de soi dans le sens où l'on peut toujours faire mieux, plus léger, plus subtil, le mythe du centaure vous voyez ? Le cavalier pense, le cheval agit sans que rien d'autre n'existe. On passe une vie à effleurer de tels sensations de bonheur... Mais je m'égare, encore...

Ayant terminé pour la journée, je repars un peu renfrognée en me demandant quand même si j'utilise la bonne méthode, n'y aurait-il pas un autre moyen pour faire comprendre à nos jeunes chevaux cette nécessité absolue de se porter en avant ? Bon, cela fait quand même quelques années que j'éduque des jeunes chevaux et des moins jeunes d'ailleurs, je me rassure en me remémorant tous les loulous qui sont passés sous ma selle, leur oeil confiant et quelques fois interrogateur quand j'en descendais, la satisfaction de leurs propriétaires ou éleveurs en les voyant évoluer... Non, vraiment, je n'ai pas d'autre solution pour le moment, ça ne m'empêche pas de me poser la question, peut être y en a t'il une à trouver, un jour...

Il faut que vous sachiez que ma bibliothèque est remplie d'ouvrages de tous âges consacrés à l'équitation, l'art équestre, le dressage, le CSO, les chevaux, l'éthologie, les nouveaux maîtres, l'éducation, l'anatomie, la pédagogie, les expériences de cavaliers, ...

Bon, pour en finir avec cette histoire, hier je retourne travailler dans cet élevage, je m'occupe de l'autre poulain (celui là traumatisé/ayant perdu sa mère/coincé dans un barbelé bébé/blessé/boiteux plus ou moins... mais c'est une autre histoire), des autres chevaux plus avancés et je fini par un entier avant de m'occuper de mon jeune élève. Pendant que je travaille l'entier, l'éleveuse/propriétaire/pas monitrice du tout donc tout à fait hors la loi fait monter un élève adulte au même moment dans la carrière, soit. Et là je vais essayer de vous retranscrire les sensations que j'ai sur cet étalon.... attention, roulement de tambour...

Vous voyez le vieux ballon de baudruche avec un tout petit trou qui se dégonfle, se dégonfle, se dégonfle sans jamais en finir ?

Ben voilà, je suis assise sur un truc comme ça. Attention, ce cheval est beau, il a une belle tête de connémara, bien foutu rond et tout hein, mais alors, il est à des années lumières, et encore je suis gentille, de se rapprocher de ce qui pourrait s'apparenter à de l'impulsion.


Aucune réponse à la jambe, je dis bien aucune, ses flancs sont peut être morts ? 


Une légère mais alors très légère réponse à la voix, c'est bon son cerveau est toujours vivant ! Ouf on est sauvés. Et peut-être un semblant de réponse à la badine, mais cette fois faut y aller vraiment hein.


Bon, réflexion... 


Pas moyen de faire autrement, faut qu'il avance ce machin, sinon bientôt on va se retrouver ensevelis, avalés par le sable de la carrière tellement il est lourd et mou. Petite (ÉNORME) leçon de jambe, il ne râle même pas, fait un semblant de quelque chose, fini par allonger un peu. Je me dis qu'on est sur la bonne voix, petit pause pour qu'il intègre quelque chose à ce qui vient de se passer et j'en profite pour exprimer une légère surprise quant au dressage de ce cheval...

"- Ah non, mais avec lui, surtout pas de jambe ! Jamais !!

- ...

- Tu comprends faut pas le blaser

- Hem

- Non, tu le mets dans l'allure, et tant qu'il y reste, surtout tu demandes rien

- ..."

Bon, donc le précepte "ne travailler que sur de l'impulsion créée" ça te parle pas à toi on dirait...

En même temps à priori si je dois rien lui demander, je peux même pas le travailler alors...

Heu...que je comprenne bien... pas d'impulsion créée donc :

pas d'action de main

pas d'incurvation

pas de ...

Ben pas de, pas de... pas d'équitation quoi !


MAIS QU'EST CE QUE JE FOUS Là ALORS ???