AVERTISSEMENT

Je tiens à préciser pour les personnes qui auraient du mal à comprendre la démarche d’un blog (flatter l’égo démesuré de l’auteur, partager ses névroses, faire pleurer dans les chaumières, passer ses nerfs, raconter des conneries, informer un peu, se marrer beaucoup, toussa), que tout ce qui est écrit ici – non seulement n’engage que moi – mais surtout, que tout ce qui y est raconté est bien évidemment purement fictif. Par là j’entends que ces récits, satires, pamphlets, anecdotes (lorsqu’ils ne sont pas tirés d’ouvrages extérieurs) sont inspirés de faits réels mais sont, comme vous l’aurez tous compris, racontés à travers le filtre d’une imagination débordante et d’un esprit, je m’en excuse, légèrement névrosé.

mercredi 23 janvier 2013

La Transmission... Du Plaisir vers le Sentiment ... jusqu'à l'Art... un jour (partie 2)




La transmission... La transmission c'est décidément l'essence même du métier d'enseignant, se rendre compte que l'on a un pouvoir phénoménal, celui d'instruire. Mais pas d'instruire bêtement, genre tu fais ce que j'te dis et puis t'essaies surtout pas de réfléchir au pourquoi du comment. Non, instruire dans le sens : susciter la réflexion, l’introspection, la sensation, le sentiment même. 


Le sentiment... Le sentiment c'est quelque chose d'extraordinaire, d'abord on ne le soupçonne pas, ensuite on croit qu'on n'en a pas, et puis parfois on se dit qu'il y a quand même quelque chose, là, qui nous interpelle ; une espèce de sensation de bien-être ou de mal-être succédant à une action. Un jour ces sensations se précisent, on arrive à savoir d'où elles viennent et quelles en sont les causes, plus tard on sait corriger ou entretenir ce qui cause ces sensations, on a compris ce qui les provoquait et surtout on a compris que l'on en était les acteurs, qu'on n'avait pas à les subir, au contraire, que c'était nous, cavaliers, qui en tirions les ficelles. Et puis voilà, un beau jour, la somme de toutes ces sensations se transforme en une chose indescriptible que l'on nomme sentiment, d'aucuns vous parleront d'instinct mais je préfère le mot sentiment, je trouve qu'il reflète mieux les rouages qui nous permettent d'y parvenir.

D'aucuns vous diront également que le sentiment, on l'a ou on l'a pas, point. Et bien je suis persuadée du contraire, ça n'est pas "on l'a ou on l'a pas", en revanche c'est bien, on y est ouvert ou on y est fermé ce qui n'est pas du tout la même chose ! Parce que quand quelque chose est fermé, rien ne dit que cette chose ne pourra pas s'ouvrir un jour, c'est juste que cela demande du temps, de la patience et un tout petit peu d'écoute. Par écoute je parle de s'écouter, de rechercher ses sensations, d'essayer de comprendre comment fonctionne notre propre corps, physiquement, musculairement, physiologiquement. Il faut en passer par là pour ensuite comprendre comment ce dernier communique avec celui du cheval. En effet, lorsque nous sommes sur son dos, nos muscles interagissent avec les siens ; si nous sommes contractés ou crispés, la tension de nos muscles crée une tension dans les siens. Le résultat de cette contraction est que les deux entités se rejettent, chaque mouvement est compliqué,  chaque oscillation du cheval demande un effort important au cavalier pour maintenir un équilibre pour le moins précaire. C'est la première phase, je dis de mes élèves qu'ils sont au dessus de leur cheval, chacun fonctionne indépendamment de l'autre voire pire, chacun fonctionne en rejetant l'autre d'où l'inconfort ressenti par les cavaliers du débutant (à toutes les allures) au galop 7 et souvent bien plus loin (dans des allures comme le trot moyen ou lors du travail de deux pistes tels qu'appuyers ou épaules en dedans au trot et au galop).

On parle de liant, je crois bien que le liant est à la base du sentiment parce que c'est grâce à lui que l'on peut obtenir de bonnes sensations. Le liant s'acquière non pas par des séances sans fin de mise en selle bête et méchante, le liant s'acquière par une recherche sans fin du relâchement, de la descente de jambe, de l'équilibre, du fonctionnement quoi. Notre corps doit pouvoir fonctionner en accord avec celui du cheval sans aucune crispation, chaque action doit être contrôlée et effectuée dans le plus grand relâchement afin qu'aucune contraction ne vienne entraver la transmission musculaire entre le cavalier et sa monture. On parle d'alors d'être "dans" son cheval. Dans ce travail la tonicité est une notion essentielle, la communication homme cheval ne supporte aucune lourdeur et surtout aucune inertie, l'action doit être brève, claire et surtout, elle doit s'interrompre immédiatement à la moindre réponse adéquate du cheval. Dans le cas contraire ce dernier ne comprendrait pas la demande et ne pourrait donc pas y réponde correctement. Le cheval ne réfléchit pas comme nous, il fonctionne en essayant plusieurs réponses à notre demande jusqu'à ce que la bonne soit validée. Et la seule manière de valider une bonne réponse pour le cavalier est de donner du confort à son cheval en cessant immédiatement sa demande d'où le précepte séculaire : Agir, Résister, Céder souvent plus ou moins mal interprété d'ailleurs.

Le jour où le cavalier possède assez de liant pour obtenir des sensations justes de son travail, il commence à avoir du sentiment. L'exemple type des prémices du "sentiment" est le fait de sentir, à l'obstacle, qu'un abord est bon ou mauvais. Le fait de se dire en arrivant à deux ou trois foulées de l'obstacle "oh punaise ça va pas le faire..." est une chose excellente, cela veut dire que l'on commence à apprécier les distances. Le fait d'apprécier les distances n'a pour moi rien à voir avec un quelconque entrainement mathématique ou technique de comptage de pas, de mètres, etc. A mon sens, il revient à apprécier la qualité du galop de son cheval, son équilibre, le fait que l'on soit dans les bonnes sensations ou dans les mauvaises avec toutes les nuances qui mènent de l'une à l'autre évidemment. 

Ce sentiment là doit être reconnu, entretenu et développé car il mène à l'entente, à l'osmose du couple cavalier cheval. En dressage, la plupart des cavaliers vous diront qu'ils sentent quand un mouvement va passer ou ne va pas passer. Il y a des jours où vous savez que vous n'allez pas travailler la pirouette mais plutôt les changements de pieds, d'autres où vous sentez que l'allure du jour c'est le trot, donc on en profitez pour améliorer les allongements ou les appuyers dans cette allure, c'est comme ça, vous sentez que ce n'est pas la peine d'insister au galop. Un blocage quelque part, une contraction dans votre fonctionnement ou bien dans celui du cheval, peu importe étant donné qu'il n'y a pas moyen de faire l'un sans l'autre.

L'équitation, la vraie, commence là. Elle commence le jour où l'on sait adapter son travail aux capacités qui nous sont allouées au moment T, physiquement et mentalement, que ce soit pour le cavalier ou pour sa monture, l'un ne peut pas faire sans l'autre, c'est comme ça. Et le jour où les capacités sont à leur maximum des deux côtés il se passe ça (deux derniers paragraphes pour les fainéants), et c'est là que l'on touche à l'Art, un peu...

La Transmission... Du Plaisir vers le Sentiment ... jusqu'à l'Art... un jour (partie 1)


Il y a quelques temps je suis partie en balade avec deux de mes élèves, l'idée c'était de partir galoper comme des folles sur la piste.


Il faisait beau, super doux, le ciel bleu, la vue sur les Pyrénées, c'était juste parfait... Après quelques tours au trot et surtout, après les avoir prévenues de ne surtout pas ouvrir la bouche et de beaucoup plisser les yeux je suis partie au grand galop. Toujours pousser le cheval au début pour qu'il ait envie de ralentir à la fin, l'inverse est le meilleur moyen de ne jamais s'arrêter... Les filles se sont éclatées, moi aussi, et puis l'avantage quand on est devant, c'est qu'on ne mange pas de sable. Ben oui, parce que le sable, c'est vraiment pas bon du tout ! D'ailleurs les filles sont d'accord, mais bon, c'est l'jeu ma pauv'Lucette, quand on est derrière on bouffe du sable épicétou !

En arrivant en bout de piste je leur ai dit de profiter de la chance qu'on avait, la vue, le soleil, la douceur, le bonheur de se retrouver comme ça sur le dos d'un animal aussi fascinant et généreux que le cheval. A leur âge on ne se rend pas compte de tout ça, on trouve ça normal, les parents se chargent de tout, on n'a que ses problèmes d'ado à gérer, ses petites histoires de coeur, de lycée ou de copains/copines... Mais quand on entame sa vie active, tout à coup on se rend compte que monter à cheval c'est un luxe, on n'a plus tellement le temps, on n'a pas vraiment les finances, et puis il faut y aller aussi, c'est que c'est pas forcément à côté le centre équestre de Tataouine les bains ! J'ai bien vu qu'elles ne voyaient pas trop de quoi je parlais... Profiter ? Mais profiter de quoi ? La vue on l'a tous les jours, et puis du poney on en fait tous les week-end !

C'est vrai, les montagnes ne disparaissent pas de la surface de la terre... Mais si l'on y regarde de plus près, les jours où l'on peut vraiment les voir distinctement sont très rares. Et puis on a beau dire, cela commence à faire quelques temps que je suis là, pour autant je crois bien qu'il ne s'est pas passé un seul jour où j'ai ressenti une impression de déjà vu en les regardant. La lumière, la neige, les nuages, la brume... Chaque fois que les Pyrénées veulent bien se  montrer, une nouvelle facette de leur "personnalité" nous apparaît, c'est presque magique tellement c'est époustouflant. Certains jours je pourrais y passer la journée, me dire que vraiment, il faut que je fasse quelque chose avec cet appareil photo qui n'est jamais là quand il faut ! Si seulement je pouvais imprimer les images que mes yeux perçoivent...

Bref, même si elles ne sont pas réceptives aujourd'hui, je suis certaine qu'un jour elles comprendront. J'ai d'ailleurs eu la preuve qu'elles intégraient très bien ce que je tentais de leur faire passer quelques minutes plus tard... Elles m'ont montré qu'elles avaient acquis quelque chose d'essentiel, quelque chose d'exceptionnel, quelque chose de magique : le sentiment. J'avais réussi à leur transmettre cette chose abstraite, cette chose si difficile à appréhender, quelle fierté de les voir et de les entendre m'expliquer que oui, ce tronc là, il leur faisait peur, il était gros, surtout pour des poneys, mais elles sentaient qu'elles pouvaient le faire, vraiment. Elles sentaient que c'étaient possible, peut-être se vautreraient-elles lamentablement mais  l'exercice serait bénéfique parce qu'elles avaient la sensation qu'il fallait le faire, que le couple qu'elles formaient avec leur monture était capable techniquement et mentalement d'amener et de produire cet effort de manière juste.

Je ne savais pas moi même si chacun séparément était capable d'effectuer cet exercice, l'obstacle était effectivement gros pour des poneys, et surtout c'était un obstacle fixe, si l'un d'eux laissaient les genoux dedans c'était la chute assurée. J'ai pris le parti de leur faire confiance, parce que le sentiment ça ne se commande pas, et quand on sait l'écouter on a peu de chance de se tromper. Et puis si mes poneys s'estimaient incapable de le faire ils s'arrêteraient, cependant je les sentais en confiance, sereins. Les filles m'ont fait deux abords magnifiques, l'équilibre, la cadence, l'impulsion, l'énergie, tout y était, c'était du beau boulot ! Ne restaient plus aux poneys qu'à faire le leur. Premier gros obstacle fixe de leur vie, un chouille trop de confiance mais du coup un mental d'acier (ça aussi c'est une fierté parce que c'était pas gagné d'avance), aucune marge, les genoux sont même à moitié restés dans l'obstacle mais le poil de poney ça glisse ! On n'est pas passé loin du panachage en règle mais les deux sont passés, de justesse mais passés... Ouf me direz vous... Pas sûr... 

En effet, la première cavalière avec sa petite tendance à se jeter sur le côté a été surprise par le passage de dos de sa jument et a été légèrement éjectée... Petite chute sans gravité après l'obstacle, une chute d'école, celle qui vous instruit et qui vous apprend que : on reste à sa place même pendant le saut, on n'essaie pas de se la jouer à la Mérédith Michaels Beerbaum sur 160 alors qu'on saute 110... La deuxième n'est pas tombée mais son poney (qui avait aussi laissé les genoux) a tellement monté le dos qu'elle s'est retrouvée couchée sur ses oreilles à la réception, il est gentil, il n'a pas baissé la tête... Mais c'est pas passé loin ! 

Pour moi et pour elles un succès total. Elles sont rentrées tellement fières et heureuses de l'avoir fait. Les chutes on s'en tape, l'important c'est d'avoir réussi à emmener leurs poneys avec assez de confiance pour qu'ils se pensent capable de le faire, n'importe quel cavalier vous dirait que c'est l'essentiel, le ciment qui forme le couple, qui crée l'osmose : la relation de confiance induite par une équitation juste qui rassure le cheval.

Difficile d'exprimer la sensation que cela procure, constater que l'on a réussi à transmettre une telle confiance, un tel sentiment de sécurité et la technique, évidemment, permettant à ses cavaliers comme à ses jeunes poneys de se confronter à de réelles difficultés. 5 ans ce n'est vraiment pas vieux pour atteindre la maturité leur permettant d'effectuer un exercice si compliqué, surtout avec des cavaliers pas si expérimentés que ça sur leur dos. Quel bonheur, quelle fierté de faire passer un savoir faire, un savoir être... 


En un mot comme en mille, quel bonheur, quelle fierté de parvenir à transmettre...