AVERTISSEMENT

Je tiens à préciser pour les personnes qui auraient du mal à comprendre la démarche d’un blog (flatter l’égo démesuré de l’auteur, partager ses névroses, faire pleurer dans les chaumières, passer ses nerfs, raconter des conneries, informer un peu, se marrer beaucoup, toussa), que tout ce qui est écrit ici – non seulement n’engage que moi – mais surtout, que tout ce qui y est raconté est bien évidemment purement fictif. Par là j’entends que ces récits, satires, pamphlets, anecdotes (lorsqu’ils ne sont pas tirés d’ouvrages extérieurs) sont inspirés de faits réels mais sont, comme vous l’aurez tous compris, racontés à travers le filtre d’une imagination débordante et d’un esprit, je m’en excuse, légèrement névrosé.
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mercredi 10 octobre 2012

La légèreté


Bon allez, je me lance !

Ça commence à faire un petit moment que je fais travailler quelques cavaliers, ou plutôt quelques cavalières en fait, en cours particulier. Il se trouve que certaines de ces cavalières sont d'origine allemande et ont monté là-bas pendant un long moment, et plus ça va, et plus je m'aperçois avec étonnement que la légèreté est une totale surprise pour elles lorsqu'elles la comprennent et la ressentent pour la première fois. Bon, on sait que l'équitation allemande c'est pas non plus la grande finesse (attention, je veux pas dire que ce sont des brutes hein, mais ce sont des allemands quoi, c'est plutôt péremptoire comme équitation), mais quand même, quand on les voit monter en dressage, on se dit qu'ils s'en sortent pas si mal !

Voilà voilà, donc je me retrouve avec des cavalières qui montent avec peu de jambes, une assiette plus qu'approximative et en revanche des mains et des bras plus durs et plus figés qu'un bûcheron qui retient un tronc d'arbre en train de tomber... Ouais bon, j'exagère mais je suis pas si loin que ça de la vérité.

Donc pour ne parler que de ces deux là, il en en a une qui a une petite jument assez fine et l'autre qui a un gros cheval très massif. C'est là qu'on voit que la même "mauvaise" monte (à tout de même quelques détails près) n'a pas du tout les mêmes effets, alors que la même "bonne" monte (attention je schématise, il y a pour moi plusieurs bonnes montes, mais les principes de base restent identiques) se termine toujours par un cheval léger, harmonieux, cadencé et en équilibre.

Donc la petite jument étaient complètement enfermée/encapuchonnée, derrière la main, lourde à la jambe et je ne vous parle pas de la morphologie ! Une énorme boule derrière la nuque et un creux devant le garrot. Un bon dos tout de même étonnamment, et une grande qualité, malgré un rein complètement bloqué, elle était pratiquement toujours dans ses traces. Au travail, toujours fuyante, se désunissant, très flottante, parfois même dangereuse car elle pouvait devenir complètement incontrôlable. Sa cavalière s'était d'ailleurs fait peur déjà une ou deux fois.

En ce qui concerne le gros, c'était autre chose étant donné qu'il a beaucoup plus de force que sa cavalière, vu qu'elle était bloquée dans ses bras, et bien qu'à cela ne tienne, il la sortait de sa selle à chaque foulée. Ben oui, si le bras se déplie pas, faut bien qu'il y ait quelque chose qui se déplace ! Bon, évidemment il a eu moins de problèmes physiques vu qu'il a un poids plume sur le dos, du coup c'était plutôt la cavalière qui avait des problèmes... Mal aux épaules, on en a parlé , et surtout super la trouille ! Forcément, vu qu'elle était complètement bloquée, son cheval la bougeait énormément, il s'échappait dans ses épaules, elle se sentait dépassée, résultat, une trouille bleue de galoper, et au trot c'était tout juste hein...

On a donc tout repris à zéro pour ce petit monde, et ce ne fut pas facile ! Quand j'ai dit à la cavalière de la jument qu'il fallait lui faire ouvrir l'angle tête encolure, et que pour l'instant ce n'était pas grave si elle avait un peu le nez au vent, je crois qu'elle a eu un choc. D'ailleurs elle m'en parle encore aujourd'hui comme d'un traumatisme ! Ouf, heureusement qu'elle me faisait assez confiance pour le faire quand même, parce que vu ce qu'elle me dit, ça l'a vraiment marquée. 

Pour le gros, le plus difficile a été la confiance, elle avait tellement peur de lui lâcher la tête. Et surtout cette rêne gauche ! Le pauvre, il était tout le temps tordu comme pas possible. Comme si elle pensait qu'il allait lui exploser entre les doigts à la moindre occasion. En fait c'est un gros pépère de 8 ans avec beaucoup de métier pour son jeune âge, mais c'est surtout un amour ! La seule chose qu'il peut faire, c'est lever un peu le nez si il voit quelque chose de nouveau, et encore ! Par contre il est énorme, et il sait très bien se servir de sa masse comme force d'inertie, du coup ça peut devenir vraiment difficile  d'être à l'aise dessus.

Au bout de quelques séances de moins de mains et de plus de jambes et surtout d'assiette, les évolutions ont commencé à pointer le bout de leur nez. Pour la jument ce fut facile, elle s'est petit à petit tendue dans sa ligne du dessus, s'est mise à travailler plus ou moins en ligne et à prendre du contact. Bon, par contre, un gros problème de main gauche là aussi, doit y avoir un souci avec le fait de tourner à gauche en Allemagne, je sais pas... Il a fallu également régler cette manie de travailler en contraction en descendant les mains sous le garrot pour faire céder le cheval, parce qu'à moins d'avoir un cavalier de haut niveau avec beaucoup de jambes, je n'ai jamais vu cela fonctionner ; à part mettre le cheval sur les épaules, lui contracter la base de l'encolure et lui faire lâcher le dos je n'ai pas vraiment vu l'intérêt de cette posture... Sans parler de la contraction du cavalier ! 

Pour le gros ce fut légèrement plus compliqué car il a quand même une bonne tendance à prendre la main du cavalier pour une béquille, genre : 

"Attends, j'arrive pas à m'arrêter, bouge pas, je m'appuies bien sur toi comme ça c'est plus facile. Comment ça t'as du mal à soutenir 600 kg ?"

Il a donc fallu beaucoup travailler sur l'assiette de la cavalière, tenir son dos, prendre son cheval dans les jambes, ne rien demander dans la main tant que la masse n'était pas reportée sur les hanches. Et surtout ! Soutenir ses mains dans ses demandes au lieu de les descendre sous le garrot et de basculer tout son haut du corps vers l'avant par la même occasion. Dans le genre je te rajoute encore un peu de poids sur les épaules parce qu'à mon avis y en avait pas encore assez, on peut pas mieux faire...

Et après j'entends : 
"- Il pèse un peu à la main hein !
  - Non sans blague !?"

Et puis il y a eu le jour où, à force de répéter les mêmes consignes séance après séance, exercice après exercice, j'ai vu leur visage s'illuminer. Elles avaient senti ! Senti le cheval se porter et les porter, plus d'effort à faire, rien qu'à se laisser aller pendant les quelques secondes de ce petit état de grâce. La légèreté, l'impulsion, la cadence, la rondeur, tout y était ! Bon, pendant 3 secondes et demi, mais ça n'est pas ça l'important, l'important c'était bel et bien de se rendre compte que cela existe vraiment, que ce que l'on s'imagine du dressage ce n'est pas de la contrainte mais bel et bien de l'harmonie, de la légèreté, et surtout du plaisir ! Sentir son cheval répondre à la plus légère pression, le sentir s'enlever sous soi et monter dans un rebond souple et élastique, c'est juste une expérience extraordinaire, il faut l'avoir vécu dans sa vie de cavalier, sinon ça n'a pas de sens de faire de l'équitation.

Evidemment, au départ ce ne sont que des sensations éphémères, fugaces, il faut du métier pour maintenir cet état de grâce pendant plusieurs minutes, la plupart des grands cavaliers vous diront que ça ne leur arrive pas tous les jours ! Ils ont parfois des séances exceptionnelles, mais cela ne se commande pas, il faut non seulement la technique, mais il faut également le mental, celui du cavalier et celui du cheval, tout cela doit s'accorder parfaitement, on appelle cela l'osmose. C'est presque magique tellement c'est subtil, le cavalier pense, le cheval danse, dans ces moments là, le couple cavalier cheval ne fait qu'un, et ce n'est pas une image, c'est vraiment la sensation que l'on a, il n'y a pas de mot pour le décrire vraiment...






vendredi 29 juin 2012

Le bel étalon noir...




Je continue ma série consacrée à quelques uns des chevaux que j'ai au travail avec mon magnifique, mais très très super chiant entier noir. C'est une race des pays de l'est, assez rare par chez nous d'ailleurs, mais il a tout à fait l'allure d'un cheval de sport lambda quand on le voit comme ça. Vous l'aurez deviné... il est noir, avec une toute petite marque en tête sur le front et aucune balzane. Sa tête est particulière car très osseuse, j'imagine que c'est un vrai casse tête à tondre (c'est le cas de le dire) surtout autour des yeux. Il doit toiser aux environs d'1,70m et il est lui aussi un peu gras, il faut bien se l'avouer... Il est assez ramassé comme ça, mais son dos est tout de même un peu long, des aplombs corrects et une encolure énorme avec une force phénoménale.

Niveau caractère : ben il est chiant... C'est un entier quoi, mais pas l'entier dangereux qui saute sur tout ce qui bouge et tape/boxe tout ce qui passe, pas du tout ce genre. Lui c'est plutôt le genre pot de colle, qui veut tout savoir, tout voir et tout toucher... Quand on rentre dans le box, le cheval normal, il se pousse. Ben lui non, lui il se pousse pas, il reste là, devant, il faut qu'il sache ce qu'il se passe devant la porte des fois qu'il y aurait le scoop du siècle juste là maintenant, nan nan, pas question, on sait jamais !

Donc voilà, déjà, faut réussir à rentrer, donc il faut le pousser. Alors au début, il fallait vraiment le pousser, de toutes ses forces, parce que monsieur, il résistait, il voulait pas ! Maintenant ça va un peu mieux parce que moi, les chevaux irrespectueux ça m'énerve et je trouve ça dangereux, du coup il a appris à répondre à la "pression" et à la "suggestion" comme disent les éthologues, ça fait quand même des vacances. Et puis une fois dans le box et ben c'est pareil, il ne veut que aller devant la porte, mais comme il est entier, on se dit que si par malheur il voulait aussi sortir, on serait pas dans la merde. Du coup je passe mon temps à lui dire de reculer, c'est un jeu... Je le fais reculer d'un pas, il ravance d'un demi pas et demi, je le fais reculer de deux, il ravance de 3 ou 4 mini pas, comme ça, l'air de rien... L'innocence incarnée ce cheval, et puis il fait l'offusqué quand je me fâche en plus ! 

Ensuite il veut tout savoir, il faut qu'il sente la brosse, il faut qu'il regarde où je brosse ; pour la tête, on peut pas la brosser si elle est pas du bon côté et presque il regarde à l'intérieur du sabot quand je lui cure les pieds, il le ferait s'il manquait pas de se casser la figure à chaque fois... Oui, c'est le genre de cheval qui essaie de brouter quand on trotte ou galope en extension d'encolure et qui comprend pas pourquoi il finit sur les genoux, à chaque fois... 

Bon, évidemment, si vous posez quelque chose sur la porte ou à côté du box vous êtes sûr que ça finit, dans le meilleur des cas, parterre devant le box, et dans le pire des cas, parterre dans le box et sous ses pieds ou dans sa bouche, ou les deux, tout dépend... Voilà voilà. Ah oui, et puis sinon quand vous le sellez, ben c'est là que ça lui gratte sous la selle, donc si vous mettez la sangle après, comme moi, ben vous avez une chance sur deux de retrouver la selle parterre, ou d'arriver juste à temps pour la rattraper au vol au moment où il la pousse par dessous pour se gratter.

Ah, et aussi il aime pas qu'on lui touche l'oreille droite, enfin si, on peut la toucher quand on veut, sauf... quand on veut mettre le filet, là nan, là il veut pas, il préfère lever la tête très très haut, tellement haut que moi je touche plus parterre, oui parce que moi je lâche pas le filet tant que je l'ai pas mis, nan mais... Bon, j'ai passé un peu de temps sur la pointe des pieds où carrément suspendue, mais ça y est, monsieur à compris que la lourdingue là, elle lâchera pas l'affaire, alors maintenant il baisse même presque la tête pour que l'oreille elle passe plus facilement sous la têtière. Y a quand même du progrès !

Et pour les guêtres c'est comme pour le reste, il faut qu'il regarde si les velcros sont bien mis, on sait jamais !

Une fois qu'on a fait tout ça généralement j'en peux déjà plus, je suis fatiguée ! Ce cheval m'use... Et quand on est dessus, ben c'est un peu pareil, la vieille commère hyperactive, vous voyez le genre ? Mais avec les muscles en plus. Au début c'était l'horreur, il arrachait les rênes à la moindre occasion, il mettait des espèces de coups de tête à vous arracher les cervicales, et pas que vers le bas, sur le côté aussi, histoire d'être bien asymétrique (ça fait encore plus mal !) Ben oui, parce que les coups de tête c'est pas juste pour arracher les rênes, c'est surtout pour regarder ce qui se passe partout, parfois il fait même carrément demi tour, pour regarder derrière, c'est plus pratique. Je passe sur le fait que les entiers adorent les poneys (et les juments mais ça vous vous en doutiez) et que dès qu'il y en a dans les parages, c'est mort pour la concentration, enfin avant, maintenant ça va un peu mieux. Et puis des fois, on sait pas pourquoi, ça lui prend et il se pointe et il boxe, comme ça, tout seul, dans le vide, il faut le savoir. Ça peut surprendre la première fois, surtout quand on sait qu'il est pas très doué et qu'il pourrait se rater... Mais bon...

Allez, passons aux choses sérieuses, comment qu'il travaille ce cheval ???

Ben c'est qu'au début c'était pas gagné ! Une locomotion un peu particulière on va dire, le genre "lapin à roulette" pour ceux qui connaissent l'expression, c'est à dire le cheval avec une cadence et une amplitude au trot qui se rapproche assez bien de celles du shetland. Au pas, c'est pareil, et au galop n'en parlons pas. En fait c'est le cheval qui se dépêche tout le temps mais qui sait pas pourquoi, pas facile... 

Pour vous faire une idée, vous n'avez qu'à imaginer un cheval qui trotte et qui galope du genoux (et du jarret), en montant fort les épaules mais sans aucune propulsion et sans rebond aucun. Le prototype parfait du cheval chaud bouillant qui ne pousse pas un crayon et qui donc, travaille creux, malgré tout le vent qu'il brasse. Sans compter le fait qu'il se sert allègrement de vos bras comme béquille étant donné qu'il ne se tient pas, en fait il se dépêche de venir s'appuyer, c'est pas tout à fait l'idée que je me fais du cheval léger... Et avec l'encolure qu'il a c'est vraiment pas un cadeau ! 

Voilà, donc au départ, on a un cheval plein de sang travaillant dans le plus parfait déséquilibre, ne respectant pas la main, la jambe non plus quand on y regarde de plus près, avec une capacité de concentration plus que limité et une tolérance très faible à la contrariété... Hem, de la tarte, quoi !

Bon ben j'ai tout simplement commencé par lui rendre la vie impossible, c'est à dire qu'il a fait beaucoup, mais alors vraiment beaucoup, genre des kilomètres d'épaule en dedans. Dès qu'il "bourrait à la main", hop, une longueur d'épaule en dedans ! Dès qu'il commençait à s'appuyer, hop, une largeur d'épaule en dedans, et un petit appuyer, et on recommence. Dès qu'il sortait de la main, rebelote, je crois que j'ai passé le premier mois à illustrer le traité de La Guérinière, j'en ai fait dans tous les sens, de tous les cotés, sur des lignes droites, sur des cercles, des carrés, des rectangles, dans le manège, la carrière, le cross, j'ai tout fait ! 

Alors évidemment, je n'ai pas fait que de l'épaule en dedans, mais c'est vraiment le premier truc que je fais quand il commence à accélérer progressivement en mettant de plus en plus de poids et en poussant de toutes ses forces avec son encolure. Au début j'essayais de résister mais c'était peine perdu, son mode de fonctionnement c'était justement la résistance, plus je résistais, plus il résistais dans l'autre sens, vraiment, je ne pense pas que j'aurais gagné ! Du coup, vu qu'il avait envie de foncer tout droit, ben il a fait le contraire, voilà. Il a fait du cercle et du travail de deux pistes, nan mais, on me promène pas comme ça moi, faut pas déconner non plus ! En plus j'aime pas ça faire du tout droit, ça m'énerve, je suis la première à enguirlander mes élèves qui font des tours de carrière bêtement sans rien demander à leur cheval, ça sert à rien, c'est du promène couillon comme on dit chez moi.

Fin bon, du coup, on a revisité toute la panoplie et aux trois allures : épaules en dedans, travers, renvers, appuyers, contre-changements de main et tout le tralala. Pour le coup, j'ai révisé mes gammes ! Au bout de quelques semaines de ce travail, j'ai commencé à avoir un cheval qui se tendait plus facilement et sa cadence s'est ralentie pendant que son amplitude s'est développée. Oui, parce qu'au départ il travaillait très haut et très fermé, il s'encapuchonnait et bourrait à la main dans cette attitude, dos creux et bouche morte, c'était vraiment très agréable... On pouvait même avoir la sensation d'être trimbalé au pas, vraiment génial ! 

Là, il commençait à descendre sa tête et à monter son dos sur quelques foulées à la sortie des exercices. Il se laissait encore pas mal déconcentrer mais j'avais quand même moins de difficultés à le récupérer avant qu'il parte dans son trip "vite faut que j'me dépêche". Une fois que j'ai obtenu ce minimum, nous avons commencé à pas mal travailler sur la réponse à la main et à la jambe. Vous noterez que j'avais toujours ma badine, même avec ce type de cheval qui ne veut qu'avancer tout le temps, comme quoi une badine ça ne sert pas que pour les chevaux "froids". Et bien oui, et cette badine je m'en servais beaucoup pour... m'arrêter ! Et oui, parce que monsieur ne savait pas s'arrêter, il venait se coincer contre la main, mais jamais de la vie ce truc n'était un arrêt, d'ailleurs il ne tenait pas en place, donc c'est bien la preuve. Oui, parce qu'en fait, un arrêt c'est le truc où le cheval il s'arrête en reportant du poids sur ses jarrets, et non pas dans vos bras, là c'est pas un arrêt, c'est un affalement (d'où le cheval qui se retrouve sur les genoux quand on avance les mains...). Et pour que le cheval reporte du poids sur ses jarrets, et bien à un moment, il faut bien qu'il se tienne tout seul et qu'il ne se serve plus de vos mains comme "petites roulettes" vous savez, le truc qu'on doit enlever une fois qu'on a bien appris à faire du vélo et que certains on vraiment beaucoup de mal à lâcher. 

Dès que je voulais m'arrêter, j'utilisais donc ma badine pour lui demander d'activer un peu ses postérieurs afin qu'ils viennent sous la masse, dès qu'il faisait mine de s'appuyer, je repartais et lui demandais une épaule en dedans jusqu'à ce qu'il se tienne de nouveau avant de recommencer. J'y ai passé un paquet de temps... c'est qu'il est têtu l'animal ! J'y arrive tout juste aujourd'hui, au bout de presque deux mois de boulot. Mais rassurez vous, le reste a bien progressé, en fait je crois que c'était le gros point noir, c'est la chose qu'il a eu le plus de mal à assimiler, à côté de ça, c'est un cheval très souple et très agréable lorsqu'il se tend et se met au travail.

J'ai donc beaucoup travaillé sur ma main, j'ai essayé de ne jamais la bloquer lorsqu'il résistait, au contraire, je rouvrais les doigts et je demandais une flexion pour partir en épaule en dedans avec beaucoup de jambe. Oui, parce qu'en fait la résistance venait du fait qu'il ne poussait pas, j'espère que vous l'aviez deviné ! Et donc en le mettant en épaule en dedans, le postérieur intérieur (intérieur à l'incurvation hein, toujours pareil) venait obligatoirement sous la masse, ce qui avait pour effet immédiat de l'alléger, et voilà, c'était gagné. Ne restait plus qu'à lui apprendre à engager ses postérieur aussi en ligne droite. Pour ça j'ai beaucoup utilisé une technique que je trouve très utile : serrer les genoux et les cuisses pour ralentir les épaules du cheval. Etant donné qu'il avait du mal à "rattraper" ses traces (et donc à se "juger" pour ceux qui suivent) avec ses postérieurs, il fallait demander aux postérieurs d'aller plus loin, mais étant donné qu'il se dépêchait tout le temps, dès que je demandais les postérieurs, il précipitait l'allure en bourrant à la main. Du coup, l'allure se dégradait et je n'obtenais jamais l'engagement tant espéré. Il fallait donc tout d'abord ralentir les épaules afin de permettre à l'arrière main de les "rattraper", ou du moins de s'en rapprocher ; et seulement une fois cela obtenu, je pouvais mettre la jambe pour demander une propulsion supérieure de laquelle résultait une meilleure tension de dos et un bout de devant léger dans un relâchement maximum. Et oui, tout ça d'un coup !

Attention, serrer les cuisses ne veut pas dire se crisper, au contraire, cette technique n'est efficace que si le cavalier a la jambe descendue et continue de travailler relâché, sinon cela n'a aucune utilité. Le principe est simple, le cheval étant très sensible à la pression, le fait de serrer les cuisses va lui comprimer légèrement les épaules, il va se retrouver dans un inconfort relatif car il devra "forcer" pour continuer son mouvement, et comme les chevaux (tout comme les humains d'ailleurs) n'aiment pas trop se fatiguer, leur premier réflexe va être de ralentir le mouvement des épaules. C'est à ce moment précis qu'il faut relâcher la pression des cuisse et demander la propulsion avec le bas de jambe tout en restant bien à sa place dans son haut du corps ; les épaules ont ralenti et votre cheval à tendance à "caler" comme s'il voulait retomber dans le pas, c'est exactement à ce moment là que les postérieurs ont la possibilité de rattraper leur retard, il faut en profiter ! Une fois cette sensation obtenue, il suffit de la reproduire à chaque fois que le cheval commence à précipiter : ralentir les épaules, se relâcher, activer les postérieurs, se relâcher, vérifier l'équilibre et la légèreté, recommencer si besoin. 

La sensation du cavalier doit être une impression d'être calé dans un fauteuil très souple et très confortable, lorsque le cheval travaille avec son dos on a la sensation d'être plus haut que d'habitude. Je donne un truc à mes élèves pour reconnaître cette sensation : si vous êtes cavalier, vous avez très certainement déjà senti les muscles du dos de votre cheval se tendre au moment où il lève la queue pour faire son crottin, cette sensation est due au fait qu'il contracte ses muscles abdominaux ce qui a pour effet de lui faire remonter toute la ligne du dos. Et bien lorsque votre cheval travaille vraiment avec le dos, vous devez avoir la même sensation. La première fois que j'ai senti ça, je travaillais au galop sur mon cheval avec mon Mentor, et tout à coup j'ai senti ce truc extraordinaire, au début je passais mon temps à me retourner car j'avais tout le temps l'impression que mon cheval faisait son crottin, mais non ça n'était pas ça, j'avais enfin compris ce que signifiait "mettre le dos". C'est un des plus précieux souvenirs de ma formation je crois. Et en ce qui concerne le bout de devant, c'est à ce moment là que l'on peut commencer à demander l'extension d'encolure, comme le cheval se propulse correctement et qu'il tend son dos, il cherche à descendre sa tête en ouvrant son angle tête/encolure, il reste léger et en équilibre. Lorsqu'il travaille de cette manière, un cheval peut trotter et galoper le nez parterre sans aucune dégradation de son équilibre (sauf s'il essaie de brouter, là ça marche un peu moins bien mais bon, c'est hors sujet), et les transitions, qu'elles soient montantes ou descendantes peuvent, et devraient se faire sans dégradation de cette attitude de relâchement et de tension de la ligne du dessus.

Voilà voilà, donc mon bel étalon noir est maintenant aussi doux qu'un agneaux, il est devenu extrêmement agréable à monter et c'est un vrai plaisir. Bon, on n'est pas à l'abri d'un petit mouvement d'humeur ou d'un petit saut de joie, mais même lorsqu'il se retourne pour regarder les juments qui passent, il fait bien attention de ne plus arracher les rênes, il est devenu civilisé cet animal... Non, et puis il est super attachant, ce n'est pas rare qu'il hennisse quand j'arrive le matin pour m'en occuper. 

Comme quoi, le travail peut aussi être un plaisir ! :)