AVERTISSEMENT

Je tiens à préciser pour les personnes qui auraient du mal à comprendre la démarche d’un blog (flatter l’égo démesuré de l’auteur, partager ses névroses, faire pleurer dans les chaumières, passer ses nerfs, raconter des conneries, informer un peu, se marrer beaucoup, toussa), que tout ce qui est écrit ici – non seulement n’engage que moi – mais surtout, que tout ce qui y est raconté est bien évidemment purement fictif. Par là j’entends que ces récits, satires, pamphlets, anecdotes (lorsqu’ils ne sont pas tirés d’ouvrages extérieurs) sont inspirés de faits réels mais sont, comme vous l’aurez tous compris, racontés à travers le filtre d’une imagination débordante et d’un esprit, je m’en excuse, légèrement névrosé.

vendredi 8 juin 2012

Le Grisou (Quel type de travail pour quel type de cheval ?)


Allez, je vous parle d'un autre de mes "pensionnaires". Un magnifique anglo par Zandor Z, pas très grand, assez compact avec un dos un peu "rigide", plutôt gras mais ce n'est pas rare pour les chevaux de sport, et de CSO en particulier et pour couronner le tout, fait en descendant.

Ce cheval s'est retrouvé sous mes fesses parce que son cavalier est un brillant étudiant qui n'a pas toujours le temps de monter ses chevaux régulièrement, surtout pendant les exams... Ce grisou là n'a aucun problème de cavalier, alors évidemment personne n'est parfait mais franchement, si tous les pro montaient aussi bien que lui, je pense que beaucoup de chevaux seraient très heureux ! 

La seule chose est que ce cavalier n'est pas vraiment versé "dressage", il est assez doué pour savoir utiliser ses chevaux sans chercher à les "modifier", du coup il ne se prend pas vraiment la tête avec ça. C'est un peu dommage mais du coup ça me laisse l'occasion de lui apporter un plus quand je travaille ses chevaux. Faut bien que je serve à quelque chose quand même !

Bon, ce cheval est assez compliqué parce qu'il est très asymétrique, il est purement gaucher, donc tout le temps incurvé à droite et pas qu'un peu ! De plus il est bourré de sang, assez caractériel et surtout d'une extrême susceptibilité. Tout pour plaire ! D'un autre côté, quand on sait le prendre, il essaie vraiment de vous faire plaisir.

Au box c'est un amour, un peu coquin et joueur mais super respectueux et câlin avec ça. Un petit amour de cheval de fille ! Une fois à cheval en revanche, c'est légèrement différent. Ce qui est très étonnant c'est qu'il est bourré de sang, et pourtant, il n'avance pas. Au pas, si vous le laissez faire, il marche à deux à l'heure, et au trot c'est encore pire, s'il pouvait reculer je pense qu'il le ferait... Et à l'autre bout c'est encore plus compliqué, sa bouche peut être aussi dure et morte qu'un bloc de béton, c'est d'ailleurs le cas la plupart du temps et surtout à main gauche. Mais comment faire ?

Déjà, au pas, il faut le faire marcher mais attention, sans le vexer hein, nan parce que si on exige au lieu de proposer c'est même pas la peine ! Monsieur se met debout, fait demi tour, jette le cul, enfin bon, tout sauf calme quoi... Oui, il peut rétiver si on le vexe, j'en ai fait l'expérience la première fois que je l'ai monté, depuis je lui dis "vous" et ça va beaucoup mieux. Il fait parti de cette catégorie de chevaux qui ne vous signent pas de chèque en blanc, il faut argumenter tout ce que vous faites, lui prouver le bien fondé de votre action, et c'est seulement là qu'il acceptera d'essayer à votre façon. Tout un programme, surtout qu'il ne souffre aucune contrainte au niveau de sa bouche, tout doit se passer dans la jambe et dans l'assiette, la main ne fait que suggérer par petites touches. Et oui, la bouche n'est pas si morte que ça en fait, elle est juste extrêmement soupçonneuse. Pas moyen de lui faire avaler n'importe quoi, pas d'action de main inconsidérée, de toutes façons, elle s'opposerait à une résistance complète.

En effet, quand ce grisou a décidé qu'il ne tournerait pas la tête, vous pouvez bien faire tout ce que vous voulez, si ce n'est pas la bonne chose vous obtiendrez, au mieux, rien et au pire, c'est à dire si vous utilisez la force, vous vous retrouverez le cul parterre après une bonne diagonale de ruades explosives. On n'exige rien d'un Prince messieurs dames !

Donc, depuis que je côtoie ce bel ombrageux, j'ai appris qu'il acceptait très bien qu'on exige de lui qu'il avance si on l'exigeait avec politesse. Je lui ai appris à accepter le stick (oui parce qu'au début un simple effleurement et c'était le drame international, l'incident diplomatique ! Monsieur se mettait dans tous ces états !), aujourd'hui il a compris le code et me fait le plaisir d'y répondre la plupart du temps d'une manière très satisfaisante. Pareil pour la jambe, il y était assez froid, il l'est toujours mais il commence à l'écouter un peu mieux. Voilà, donc la première chose a été de le faire avancer et de délier toute cette grosse mécanique un peu grippée afin d'aller vers le relâchement.

Là vous êtes en train de vous demander comment son cavalier le monte, lui, si moi j'ai tous ces problèmes ! Et bien je vais vous le dire, il y a deux choses ; déjà, et c'est un mystère que j'ai du mal a expliquer, lorsqu'il saute ce cheval n'est plus du tout le même. Il s'emploie beaucoup plus et beaucoup mieux, il devient léger du moment qu'on ne lui demande pas de revenir, c'est à dire : très peu de main. Et pour le reste, son cavalier ne lui demande rien, donc il le monte en le laissant très ouvert parce que ça ne porte pas à conséquence pour les concours. Seul le problème du virage à gauche reste, et oui, parce que même en concours, Monsieur ne se plie pas à gauche, donc lorsqu'un virage un peu serré à gauche se présente, il est rarement à l'abri d'une faute, c'est tout le problème, et l'unique problème en fait ! C'est là que j'essaie d'intervenir, comme je peux...

La première chose est de le faire avancer, ou plutôt, de le faire passer devant. On ne parle là pas de vitesse mais de propulsion, toujours la même. L'avantage de ce cheval, c'est qu'il a un dos tellement compact qu'il ne peut pas travailler creux, il peut juste ne pas travailler du tout. Bon, une fois devant, ce fut déjà un grand pas en avant, j'ai pu commencer à obtenir un contact avec la bouche, une bouche très résistante mais tout de même un peu plus moelleuse qu'au début. 

L'essentiel et le plus gros du travail avec lui s'effectue au pas, je le mets devant, ensuite je lui demande de vraiment contrôler ses épaules parce qu'en fait, il est continuellement effondré sur l'épaule gauche, d'où l'impossibilité de se plier (et donc encore moins de s'incurver) de ce côté là. J'ai donc passé beaucoup de temps au début à lui demander des petites cessions, quelques foulées d'épaules "en dehors" vu que j'étais à main droite et que je voulais que son épaule gauche reparte vers la droite. Quand j'étais à main droite je lui demandais des plis à gauche, contre incurvation etc... Et inversement à main gauche pour dédramatiser la situation, il trouvait donc la main droite légèrement inconfortable mais il était à main droite donc ça va, et à main gauche tout compte fait c'était pas si pire puisque je le pliais du côté où il était à l'aise. J'ai ainsi pu commencer à lui faire oublier cette "peur" de passer à main gauche où il anticipait et se contractait en s'arc boutant avec le bout du nez à droite contre vents et marées. Ce ne fut pas de la tarte, et ça n'en est pas encore aujourd'hui !

Petit à petit il a commencé à me faire confiance et à bien vouloir essayer de nouvelles choses que je lui demandais. Nous avons commencé les épaules en dedans et les cessions aux deux mains, toujours au pas, puis les huit de chiffres. Je crois que ça a été la plus grosse étape, le jour où il a compris comment passer d'une incurvation à l'autre juste en avançant un peu plus son postérieur sous la masse il a eu une sorte de déclic. Il s'est dit que même si c'était dur c'était quand même à sa portée. 

En effet, son cavalier l'a fait voir à moult dentistes, ostéopathes, vétérinaires qui n'ont rien pu faire à cette asymétrie, il est fait comme ça, c'est un sacré handicap donc il faut essayer de lui trouver des solutions pour qu'il obtienne un certain confort dans le travail.

Une de ces solutions, comme pour tous les autres, c'est l'engagement et la propulsion. Plus il engage ses postérieurs sous la masse, plus il arrive à alléger le poids qu'il a sur les épaules, et plus il trouve de confort dans l'incurvation et dans le travail en général. Étant donné qu'il est fait en descendant, je n'ai jamais trop cherché à lui refermer l'angle tête/encolure, cela aurait accentué encore plus son déséquilibre. D'autre part, il a vraiment de grosses ganaches avec une attache de tête assez épaisse, pas grand chose pour aider à la mise en main quoi !

Cependant, après quelques semaine de ce type de travail au pas, puis au trot, j'ai eu la surprise de le voir enfin se relâcher, se délier et... se mettre en main ! Alors évidemment ce n'est pas une mise en main très académique, il trouve pour l'instant le confort en maintenant un port de tête assez bas mais il reste néanmoins extrêmement léger et en équilibre. Il s'incurve très bien à droite, toujours avec plus de difficulté à gauche. De ce côté, il faut toujours l'aider à trouver la solution en lui demandant se passer son postérieur sous la masse avec la jambe et l'assiette. Parfois, en fin de travail, lorsque la mécanique est bien huilée, il trouve la solution tout seul. C'est fou la capacité qu'on les chevaux à trouver un équilibre, alors qu'ils n'ont physiquement rien qui les y aide, simplement avec de la justesse dans le travail.

Aujourd'hui il est capable de travailler en extension d'encolure parfaitement incurvé aux deux mains, il peut également exécuter de très jolies courbes serrées à gauche, mais pas systématiquement, il y a toujours un blocage quelque part. Cette épaule gauche lui échappe continuellement, et si le cavalier n'est pas là pour la rappeler à l'ordre, lui n'arrive pas à se corriger de lui même. Je ne travaille pas les figures avancées de dressage, car avec son physique, je pense que son moral ne le supporterait pas, ce serait beaucoup trop dur. Nous continuons donc sur les cessions, les épaules en dedans et les têtes au mur, parfois même nous nous aventurons sur quelques foulées d'appuyer car cela l'aide vraiment à contenir cette vilaine épaule même si ça le fait beaucoup râler. 

En ce qui concerne le travail au galop, nous avons beaucoup travaillé les départs qui étaient plus qu'approximatifs en faisant beaucoup de transitions montantes et descendantes en l'obligeant à continuer de pousser quelque soit l'allure. Il avait tendance à complètement s'ouvrir en partant, et surtout à partir dans un trot désordonné avant de prendre le galop, et dans les transitions descendantes il s'arrêtait net, en lâchant complètement le dos. Il se plantait littéralement dans le sable... Ensuite nous avons travaillé au contre galop, cela lui a fait énormément de bien, exactement pour les même raisons que je le travaillais en contre incurvation au début. Au galop à droite à main gauche il était content parce qu'il galopait à droite, et au galop à gauche à main droite, il était content parce qu'il tournait à droite ! L'art et la manière de brouiller les pistes !

En ce moment nous commençons à travailler les changements de pied, mais cette fichue épaule nous embête toujours. Il faut vraiment lutter pour que tout reste en place jusqu'au bout, et quand j'arrive à tout garder bien en place le changement de pied ne passe pas trop mal. Mais maintenant j'aimerais qu'il commence à mettre toutes ces choses en place de lui même, nous n'y sommes pas encore mais je ne désespère pas !

3 commentaires:

  1. Et bien, ça ne doit pas être de la tarte ce loulou !

    Juste pour te dire que j'ai découvert ton blog il n'y a pas longtemps, et que je le trouve vraiment génial ! Les articles sont drôles, instructifs... Tout pour plaire ! Si tous les moniteurs pouvaient enseigner comme toi, l'équitation s'en porterait mieux.

    Bonne continuation ! :)

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    1. Merci de ton petit mot, c'est super gentil. Ça me fait toujours plaisir de faire un peu connaissance avec les lecteurs qui passent par là. N'hésite pas à partager tes expériences, c'est toujours enrichissant :)

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  2. C'est marrant parce que j'ai retrouvé quelques touches du mon loulou à moi. Oh, en bien moins compliqué, bien sûr, parce que sinon, je n'y arriverais pas, mais tout de même, ils sont peut-être cousins éloignés, ces deux-là ! ;-)

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