AVERTISSEMENT

Je tiens à préciser pour les personnes qui auraient du mal à comprendre la démarche d’un blog (flatter l’égo démesuré de l’auteur, partager ses névroses, faire pleurer dans les chaumières, passer ses nerfs, raconter des conneries, informer un peu, se marrer beaucoup, toussa), que tout ce qui est écrit ici – non seulement n’engage que moi – mais surtout, que tout ce qui y est raconté est bien évidemment purement fictif. Par là j’entends que ces récits, satires, pamphlets, anecdotes (lorsqu’ils ne sont pas tirés d’ouvrages extérieurs) sont inspirés de faits réels mais sont, comme vous l’aurez tous compris, racontés à travers le filtre d’une imagination débordante et d’un esprit, je m’en excuse, légèrement névrosé.

mardi 5 juin 2012

Quel type de travail pour quel type de cheval ?


Bon, en ce moment j'ai plusieurs chevaux au travail et ils sont tous très différents. J'ai une  toute jeune jument en début de travail qui est légèrement derrière la jambe, un hongre fait en descendant avec un dos assez compact et "dur", un entier très chaud qui travaille assez creux et le mien qui est à moitié rétif...

Je leur demande tous la même chose, c'est à dire d'être "en avant, calme et droit" comme dirait le Général l'Hotte mais cela ne se matérialise pas du tout de la même manière selon que je suis sur tel ou tel cheval, c'est vraiment intéressant.

Pour aujourd'hui nous allons parler de la jument, la plus jeune et d'ailleurs, certainement parce qu'elle est jeune, la plus facile. C'est une jument de 6 ans qui a été débourrée dans son année de 5 ans si j'ai bien compris, donc elle est toute verte et déjà très prometteuse. Lorsque je l'ai "récupérée" elle était très peu musclée, avec une encolure de cygne et une espèce de boule de muscle juste en arrière de la nuque car elle travaillait complètement enfermée et derrière la main. Elle avait très peu de dos et pas de croupe du tout. C'était une assez grande jument faite toute en hauteur, des grandes pattes, une grande tête et très peu de muscles.

Je l'ai pas mal regardé travailler avec sa cavalière, une cavalière de dressage d'une cinquantaine d'année qui avait très peur lorsqu'elle l'a achetée, et la première conclusion était que cette jument ne poussait pas. Elle était toujours en dedans de la main dans des allures très raccourcies et sans propulsion ce qui convenait très bien à sa cavalière étant donné que de cette manière elle obtenait un certain confort, totalement superficiel mais néanmoins appréciable pour quelqu'un qui a peur, la jument était légère (forcément) et elle n'allait pas trop vite (tu m'étonnes !).

Bon, donc la première chose que nous avons fait avant que je monte dessus fut de la travailler un peu différemment même si la cavalière a eu du mal à comprendre où je voulais en venir au départ. Heureusement j'ai la chance qu'elle me fasse assez confiance pour tenter le coup malgré ses réticences. Donc j'ai demandé à sa cavalière de l'ouvrir au maximum, c'est à dire de lui faire ouvrir l'angle tête/encolure tout en lui demandant un propulsion bien supérieure. La cavalière en est encore à peu près à ce stade avec beaucoup de progrès de la jument au niveau de la locomotion et de la mise en main, et maintenant nous allons parler du travail que je fais de mon côté.

La première fois que je suis monté dessus, j'ai eu l'impression d'être assise sur un éléphant, vous savez, ces sièges très en hauteur qui donnent le mal de mer tellement ça tangue. Très bizarre comme impression pour une jument qui a le dos plutôt creux. L'impression d'être perchée sur le garrot avec un dos inexistant, ou peut être un dromadaire, je ne sais pas... Ensuite il y avait deux choses vraiment dérangeantes, elle ne poussait pas un crayon, zéro propulsion et en plus elle refusait le contact. Le truc pratique, rien devant, rien derrière, ça commençait pas très bien ! A côté de ça, une petite jument adorable qui ne demande qu'à apprendre et très à l'écoute.

J'ai donc commencé par la base, la réponse à la jambe et la propulsion, c'est pas tout d'avancer, il faut avancer en poussant et non pas en se tractant (ça marche moins bien). Comme toujours avec ma badine, nous avons commencé par une petite leçon de jambe et la louloute a vite compris ce que je voulais, cependant elle cherchait constamment à s'enfermer. Dans tous les virages, et parce que sa cavalière le lui avait appris comme ça, elle se tordait : tête à l'intérieur, épaules qui s'échappent à l'extérieur et postérieurs à la traîne quand ils ne dérapaient pas carrément. La première séance a été compliquée car j'avais de gros problèmes de direction, en fait, vu qu'elle s'enfermait complètement, je n'avais aucun contrôle sur les épaules. Résultat j'avais une jument totalement flottante, aucune trajectoire précise et parfois de vraies mésententes, une jument qui tourne à gauche alors qu'on voulait aller à droite tout cela en s'effondrant sur son épaule extérieure... Le truc vraiment pas pratique ! En plus elle m'a fait un coup en traître, elle a eu peur lorsque j'ai voulu poser ma veste sur un chandelier, elle est partie comme une folle furieuse et j'ai dû lâcher ma veste en cours de route parce que j'ai bien cru qu'on allait traverser les barrières ! Depuis j'ai pris le temps de faire quelques séances de désensibilisation, ça fait vraiment pas de mal !

Les premières séances ont donc été consacrées à la mise en avant et à l'ouverture de l'angle tête/encolure afin d'améliorer la propulsion et la tension de la ligne du dessus. Il faut savoir que l'on contrôle bien mieux les épaules d'un cheval ouvert que d'un cheval enfermé. D'ailleurs, et tant qu'on y est, il est bien préférable d'avoir un cheval ouvert qui se propulse qu'un cheval "fermé" qui se traîne ce que beaucoup de cavaliers ont du mal à saisir. 

D'autre part, et c'est une chose essentielle, la mise en main n'est pas un moyen de travailler un cheval, c'est une conséquence d'un cheval bien travaillé. Donc, on peut très bien avoir une cheval "fermé" qui travaille mal et un cheval ouvert qui travaille bien, le premier tendra à se creuser de plus en plus et à perdre sa musculature, alors que le second finira par venir se mettre en main lorsque la musculature et la souplesse de son dos le lui permettront. 

Attention, on peut aussi très bien avoir un cheval ouvert qui travaille mal, mais il travaillera toujours mois mal qu'un cheval enfermé (à mon avis en tous cas). La clé c'est la propulsion et la tension de la ligne du dessus.

Au départ la jument avait déjà un joli trot, elle faisait bien illusion, en revanche, au galop ce n'était pas la même chose, elle galopait presque sur place en se raccourcissant, c'était vraiment très désagréable. Elle avait également cette attitude dans toutes ses transitions descendantes, elle lâchait la main et creusait le dos. Alors la cavalière était très contente car les transitions étaient assez nettes, c'est sûr puisque la jument se désengageait complètement et se "plantait" dans le sable immédiatement. D'un autre côté, pour repartir, c'était une autre paire de manches... 

Une fois la propulsion et l'attitude constante, nous avons donc travaillé ces transitions. L'important c'était de la garder ouverte et en avant même pendant la transition, dès qu'elle passait derrière je remettais des jambes pour la faire repartir et je redemandais plus loin. Pas question de lui laisser passer une transition dans laquelle elle ne se serve pas de ses postérieurs sous la masse pour "s'asseoir". 

Une fois les problèmes de rectitude et de propulsion endigués (je ne dis pas réglés car on n'a jamais assez de rectitude) nous nous sommes attaqués au dressage à proprement parler. Nous avons commencé quelques petits exercices d'assouplissement tels que l'épaule en dedans ou la contre incurvation. Nous avons commencé par la contre incurvation qui m'a été très utile pour augmenter la rectitude étant donné que la jument s'échappait toujours dans les virages avec son épaule extérieure. J'ai donc énormément travaillé en contre incurvation pour la remettre en ligne et augmenter la propulsion, car comme chacun sait, un cheval droit pousse beaucoup mieux qu'un cheval tordu. 

Pour expliquer un peu mieux au cas où ce ne soit pas très clair, un cheval incurvé a tendance a mettre le bout du nez trop à l'intérieur du cercle, c'est à dire qu'il n'est d'ailleurs plus incurvé mais tordu (souvent du fait du cavalier ne nous leurrons pas), ce qui provoque un dérapage du reste du corps et en particulier des épaules qui fuient à l'opposé. L'exercice de contre incurvation revient donc à faire l'inverse, sans tordre le cheval si possible, il consiste donc à mettre le bout du nez du cheval légèrement à l’extérieur ce qui aura pour effet de remettre les épaules dans l'axe du corps et donc d'améliorer la rectitude et par voie de conséquence, la propulsion.

Attention, dans tous ces exercices, l'importance de la rêne extérieure est primordiale (quand je dis extérieure, je parle par rapport à l'incurvation hein) ainsi que celle de la jambe intérieure (toujours pareil, intérieure à l'incurvation). La rêne intérieure ne sert qu'à emmener légèrement le bout de nez, la rêne extérieure quant à elle contrôle les épaules, c'est d'elle que dépend la réussite de la plupart des exercices de dressage à proprement parler. Lors d'un travail faisant appel à l'incurvation, c'est à dire pratiquement tous les exercices de dressage pur (épaule en dedans, tête au mur, appuyers et même pirouettes) le cheval se déplace entre la jambe intérieure et la rêne extérieure ou entre la rêne extérieure et la jambe intérieure selon le sens de déplacement, ce sont ses points de repères. Dans la plupart des cas, la rêne intérieure est un problème car trop employée, elle parasite la figure en tordant le cheval. En ce qui concerne la jambe extérieure, elle est là pour tenir ou pousser les hanches selon l'exercice. Bon, c'est un peu réducteur, mais les grands principes sont là me semble t'il.

Voilà, donc en ce qui concerne l'épaule en dedans, toute la difficulté tient dans le fait de tenir cette épaule extérieure qui ne cherche qu'à s'échapper pour retourner sur la piste. La première chose est de ne surtout pas laisser s'enfermer la jument parce que sinon là c'est perdu d'avance, ensuite il faut absolument garder la propulsion car fatalement, la difficulté de l'exercice aidant, l'impulsion va avoir tendance à diminuer fortement. 

En parlant de ça, je garde toujours en mémoire une des plus belles phrases que mon Mentor ait partagé avec moi : "On ne travaille que sur de l'impulsion créée". Autrement dit, on ne prend jamais sur l'impulsion naturelle du cheval pour faire un exercice, il faut créer de l'impulsion pour ensuite pouvoir la transformer en exercice. L'impulsion naturelle est une base qu'il faut toujours préserver, on ne doit jamais pomper dans cette ressource pour travailler, cela reviendrait à "dédresser" mot qu'une écuyère du Cadre Noir a prononcé il y a peu lors d'une discussion après un stage que j'ai eu la chance de faire avec elle.

Pour en finir avec l'épaule en dedans, il faut ensuite garder une bonne tension sur la rêne extérieure en gardant un angle correct, pas de tête tordue surtout et maintenir l'impulsion avec la jambe intérieure et l'assiette dans le sens du déplacement, enfin, tenir les hanches si besoin. Quelques foulées suffisent car on ne cherche pas la perfection, on cherche la compréhension. La jument doit juste comprendre comment utiliser son corps pour travailler dans le bon sens : tenir ses épaules, tenir ses hanches, continuer de pousser, rester dans l'axe, tendre son dos, chercher le contact avec la main du cavalier. Parfois on n'a pas tout en même temps, mais il est important de récompenser dès qu'on obtient une "composante" de plus, en essayant de ne pas perdre celles déjà acquises évidemment.

Lorsque la jument se relâche et que le contact devient plus moelleux tout en conservant la qualité de l'exercice c'est qu'on est vraiment très proche de ce que l'on cherchait.

Voilà, aujourd'hui nous en sommes au reculer car la cavalière avait envie que je travaille cela avec la jument, nous avons donc d'abord attaqué par de bons arrêts, car il n'y a pas de bon reculer sans bon arrêt cela va sans dire. Comme cela faisait un moment que je ne l'avais pas remontée, je l'ai d'abord remise un peu devant dans les transitions descendantes, elle avait de nouveau tendance à lâcher le dos. Une fois que j'ai obtenu de bons arrêts, droits, engagés et légers je lui ai demandé quelques pas de reculer. Evidemment, les premiers pas ont été plus que désordonnés, mais ce n'est pas grave, j'ai récompensé pour qu'elle comprenne que l'idée était la bonne, c'est à dire, se déplacer vers l'arrière.

Pour demander le reculer j'ai utilisé plusieurs choses, tout d'abord j'ai légèrement bloqué mes mains pour interdire le mouvement vers l'avant, j'ai changé l'orientation de mon buste et désengagé mon bassin puis j'ai demandé le mouvement avec mes jambes. L'orientation du buste est extrêmement importante, le fait d'engager le bassin, épaules derrière les hanches envoie le cheval vers l'avant. Le contraire a donc toutes les chances d'avoir l'effet inverse, et c'est bien le cas, voilà pourquoi il ne faut pas passer devant un cheval à l'abord d'un obstacle, cela éloigne le cheval de l'obstacle et l'on a donc toutes les chances de faire une belle georgette ou de provoquer le refus du cheval. Pour les matheux, il suffit de réfléchir en vecteurs de force, épaules derrières : la force pousse le cheval vers l'avant ; épaules devant : la force pousse le cheval vers l'arrière. Pas besoin d'exagérer hein, c'est très léger comme nuance !

La jument a d'abord beaucoup résisté sur la main en s'ouvrant beaucoup ce qui ne me dérange pas outre mesure, puis elle a ensuite désengagé l'arrière main en reculant ses pieds de manière totalement désordonnée. J'ai donc redemandé le mouvement en avant, un arrêt, puis de nouveau le reculer. Cette fois-ci elle a de nouveau beaucoup résisté devant mais n'a pas désengagé les postérieurs et elle a fait un pas de ce qui commençait à vraiment ressembler à du reculer. Nous avons répété quelques fois cela avec beaucoup de caresses dès qu'elle faisait un progrès, puis elle a fini par reculer deux pas sans résister et en conservant même une jolie mise en main avec un soupçon de relâchement. Nous sommes donc restées là dessus car c'était vraiment très satisfaisant pour une première leçon.

Prochaines séances : travail à l'obstacle sur un abord au trot pour développer le réflexe des antérieurs. La jument a fait son premier concours il y a quelques temps sur une bonne 1m, elle s'est vraiment super bien comportée surtout que c'était assez gros pour elle. J'étais vraiment contente mais elle a malheureusement fait deux petites fautes sur des abords un peu près par manque d'expérience. Nous allons donc essayer de l'aider à s'améliorer de ce côté là !


7 commentaires:

  1. Mathilde Tournié5 juin 2012 à 21:41

    Bonjour ! je ne parviens pas à vous envoyer de message alors auriez vous une adresse msn ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bon, comme vous êtes la deuxième personne à me dire que cela ne fonctionne pas, je vous mets l'adresse mail ici : naiezdnitsa@gmail.com
      Voilou !! ;)

      Supprimer
  2. Un article super intéressant ! J'y retrouve quelques paroles que me dit aussi mon prof. Argh ! Dommage que tu sois si loin, je serais bien aller faire un stage chez toi avec mon loulou...
    Et j'ai souri en lisant " une cavalière d'une cinquantaine d'année qui avait très peur.... " Je me suis reconnue, mais je me soigne ! Enfin, pour l'âge, je n'y peux rien, mais pour la trouille, ça va beaucoup mieux. ;-))

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci de ton intérêt ! Plus tu progresseras et moins tu auras peur ;)

      Supprimer
  3. J'ai bien aimé ta réflexion sur l'impulsion ! J'en ai parlé avec Zaude aussi qui a fait un article intéressant dessus suivant son point de vu. C'est très complexe à appréhender mais ta simple phrase "On ne travaille que sur de l'impulsion créée" aide à y voir un peu plus clair.

    J'avoue qu'en théorie pas de soucis (ou presque) je saisie le truc. En pratique,par ex. lorsqu'on fait la réflexion "ton cheval manque d'impulsion", c'est qu'il est souvent endormi/mou/lent. Que fait-on dans ce cas : on met des jambes qui a pour effet d'augmenter la vitesse. Quid de l'impulsion dans tout ça ?
    J'ai l'impression qu'on confond souvent la vitesse et l'impulsion non ? Ou c'est moi… lol ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je dirais que la principale différence c'est l'envie. Il faut sentir que le cheval a envie de se porter en avant sinon ce n'est pas de l'impulsion. Et que faire ? Je dirais qu'il ne faut pas "mettre des jambes" mais faire une vraie leçon de jambe pour justement ne plus avoir à en mettre, ou pratiquement plus.

      Voilou ! J'espère que ça répond à ta question :)

      Supprimer
  4. ouai voilà donc c'est bien ce que je pensais… difficile d'avoir de l'impulsion avec un cheval de club qui répond quand il a le temps. Et même avec une leçon de jambe, certains arrivent à se rendormir 10 min après :(

    J'ai bcp moins de problème d'impulsion avec ma jument qui répond à l’assiette !

    RépondreSupprimer